Motion du LPTMS sur la LPPR, Projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche

Le ministère a présenté le 12 juin devant le CNESER son projet de loi (copie conforme des rapports ante-COVID) et l’a fait voter dans la nuit du 18 au 19 juin aux membres du CNESER encore présents au petit
matin (https://www.soundofscience.fr/2443). Le texte devrait être présenté au conseil des ministres le 8 juillet.

Quel contenu ?

* davantage d’ANR pour le financement de la recherche ; moins de financements récurrents

* davantage de statuts précaires pour les apprenti·e·s chercheur·se·s (le CDI de chantier – en dépit du nom, recouvre un statut interimaire).

Ce projet est-il souhaitable ? Nous pensons que non, pour deux raisons :

L’insuffisance de financements récurrents ne permet pas de développer une vision à long terme, comme celle qui aurait éventuellement permis de chercher des vaccins contre le coronavirus dès 2003 (arrêt des crédits à la fin de la crise du SRAS), sans attendre d’être dans l’urgence. De plus, les crédits récurrents alloués aux laboratoires sur le long terme réduisent les coûts d’administration de la recherche, notamment le temps investi à écrire, évaluer et rendre compte de projets courts.
La crise montre que la meilleure assurance dans un monde incertain est la connaissance : nous avons besoin de chercheuses et chercheurs indépendants, non soumis aux contraintes de court terme, porteurs d’une vision large des enjeux et des priorités. Par ailleurs, la pression mise sur les jeunes docteurs désireux de poursuivre dans la recherche académique ne favorise pas la créativité sur le long terme, et la compétition excessive qui en résulte peut en outre pousser à la méconduite scientifique.

Le passage en force de ce texte, à rebours de la crise que nous venons de vivre, sert les priorités des gestionnaires. Les milliards promis à la recherche fondamentale sous l’effet de la crainte sont fléchés en direction de l’ANR (financement par projets à court terme) et en subventions aux grandes entreprises (Crédit Impôt Recherche). Ce fléchage s’opère au détriment de l’indépendance de la recherche publique, et au détriment également des statuts de la fonction publique qui la rendent possible. Ces financements ne serviront donc pas à recruter des personnels permanents, seuls à pouvoir développer une vision de long terme des priorités de la recherche et à porter des projets d’envergure, ni à les doter des crédits récurrents nécessaires à leurs activités. Le monde de la recherche a besoin de la confiance de ses tutelles et du politique ; la LPPR témoigne d’une confiance assez mesurée.

Quant à la manière, elle est brutale : par le vote du 19 juin, à 6h45 du matin et après 21 h de débats, le gouvernement confirme que la concertation n’est pas à l’ordre du jour. C’est la stratégie du choc, en profitant du fait qu’enseignant·e·s et chercheur·se·s doivent par ailleurs s’adapter à un surcroît de travail conséquent (présentiel et distanciel dans l’intérêt des étudiants).

En conséquence, nous demandons le retrait de la LPPR.

Cette motion, adoptée par l’unanimité des votants moins une abstention, s’est fortement inspirée d’une initiative similaire du Laboratoire de Recherche en Informatique (Paris-Saclay/CNRS).

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