Satya Majumdar, médaille d’argent du CNRS

Satya Majumdar figure parmi les lauréats 2019 de la médaille d’argent du CNRS. Celle-ci distingue un chercheur pour l’originalité, la qualité et l’importance de ses travaux, reconnus sur le plan national et international.

Satya Majumdar travaille principalement dans le domaine de la physique statistique. A travers la variété de problèmes auxquels il s’est intéressé, il a développé des méthodes d’une grande élégance mathématique pour obtenir des résultats exacts.

Une ligne de recherche importante, née à la fin des années 80, cherche à transposer les idées d’universalité nées dans le contexte de la théorie des transitions de phases à l’équilibre, aux phénomènes collectifs hors de l’équilibre comme les tremblements de terres, l’effet Barkhausen lié aux avalanches ou encore les crises financières. Au cours de sa thèse à Bombay, Satya Majumdar a découvert une correspondance inattendue entre (i) un modèle hors d’équilibre de criticalité auto-organisée décrivant la dynamique des avalanches dans les tas de sable, (ii ) le modèle (à l’équilibre) de Potts dans lequel le nombre de couleurs tend vers zéro et (iii ) la marche aléatoire à boucle effacée. Cette correspondance lui a permis d’obtenir des résultats exacts pour les exposants critiques, bien avant le développement des théories SLE par les mathématiciens. Ces résultats restent, encore aujourd’hui, une des références du domaine.

Au cours de ses post-doctorats aux Etats-Unis au sein des Bell Laboratories, puis à l’Université de Yale, il a travaillé sur des questions davantage en prise avec des problématiques expérimentales :
– En matière condensée, ses résultats sur le transport des fluides de vortex visqueux ont reçu une confirmation expérimentale dans les supraconducteurs de type II.
– Un résultat majeur concerne les matériaux granulaires, qui présentent des propriétés inhabituelles. Une question clé est de caractériser la distribution des contraintes, qui est très inhomogène et se concentre le long de chaînes. Satya Majumdar et ses collaborateurs ont élaboré le “q model”, qui rend justice à la plupart des observations expérimentales et continue à être un modèle de référence pour la rhéologie de ces matériaux.

Son arrivée en France à Toulouse en 2000 a ouvert une période au cours de laquelle il s’est intéressé à de nouvelles thématiques :
– Une grande partie de ses contributions a concerné l’étude des propriétés de persistance qui offrent une manière de sonder la dynamique des systèmes étendus (polymères, parois de domaines, spins en interaction…). La probabilité de persistance (i.e. la probabilité de non changement de signe d’une grandeur fluctuante, par exemple l’aimantation dans un système ferromagnétique) est contrôlée par un exposant non trivial, qui joue le rôle d’un exposant critique et permet de caractériser quantitativement les effets de mémoire des processus non markoviens sous-jacents. Ses travaux ont abouti à plusieurs résultats exacts pour cet exposant ainsi qu’à une variété de méthodes d’approximation très précises pour l’estimer dans un grand nombre de situations. Ses prédictions ont été vérifiées dans plusieurs expériences, sur les liquides nématiques ou sur des surfaces atomiques libres. Ses articles ont connu un retentissement certain dans ce domaine.
– Parallèlement à ces travaux, il a développé des méthodes de physique statistique dans plusieurs domaines. En particulier, en informatique théorique, il a estimé l’efficacité d’une classe importante d’algorithmes de stockage et de recherche de données. Par ailleurs, dans les modèles hors équilibre d’agrégation, il a montré l’existence de transition de condensation dans l’espace réel, analogue à la condensation de Bose-Einstein dans l’espace des énergies. Contrairement à cette
dernière, ces transitions dans l’espace réel peuvent apparaître même en dimension un.

Depuis son arrivée à Orsay en 2003, son activité de recherche s’est enrichie avec un effort particulier porté sur l’analyse des statistiques d’extrêmes et des événements rares. Alors que ces statistiques sont bien caractérisées dans le cas de variables aléatoires indépendantes, très peu de résultats sont connus en présence de corrélations. Ses travaux sur les variables fortement corrélées constituent une
des premières et rares avancées dans ce domaine. Il a développé ces idées dans plusieurs contextes :
– Ses résultats analytiques sur les extrêmes et les records des processus stochastiques, des problèmes de croissance d’interfaces libres ou d’un ensemble d’interfaces en interaction, ont suscité l’intérêt en analyse combinatoire et en informatique théorique.
– Dans le contexte de la théorie des matrices aléatoires, ses travaux ont permis de comprendre l’origine de l’omniprésence de la distribution de Tracy-Widom, qui décrit les fluctuations typiques de la plus grande valeur propre de grandes matrices aléatoires et qui apparaît dans de nombreuses situations physiques a priori non reliées. En effet, ses calculs sur les grandes déviations – caractérisant les fluctuations très atypiques, loin des comportements moyens – ont mis en évidence la présence d’une transition de phase du troisième ordre, suggérant que l’universalité de la distribution de Tracy-Widom découlerait de celle habituellement observée au voisinage des transitions de phase. L’impact de ces résultats sur le plan expérimental mérite d’être souligné, dans la mesure où des expériences récentes menées au Weizmann Institute dans des lasers couplés ont pu mesurer cette distribution de Tracy-Widom, apportant une belle et convaincante démonstration de l’universalité de cette loi de probabilité.

Satya Majumdar, directeur de recherche, est le responsable de l’équipe « Physique statistique, théorie des champs et systèmes intégrables » au LPTMS (CNRS-Université Paris-Sud / Université Paris-Saclay)

http://www.cnrs.fr/fr/talents/cnrs?medal=39
http://www.cnrs.fr/fr/personne/satya-narayan-majumdar
https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/actualite/satya-majumdar-modeliser-laleatoire

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